jeudi 16 décembre 2010

Le fémur


Elle est venue en douce, la neige. Elle s'est installée avec des airs de sainte-nitouche qui jurerait ses grands dieux qu'elle n'est que de passage; surtout qu'on ne se dérange pas!
Oh, bien sûr elle a lâché quelques flocons pour les enfants, de la même manière qu'elle leur eût filé des bonbons, c'était kif-kif. Croyez donc.
Nous autres on ne s'est pas méfié, on aurait dû.
Complaisamment, on l'a laissée s'asseoir, et aussitôt, elle a répandu sa traîne en mousseline partout sur la chaussée. Ça faisait comme du soufflé étalé sur les bancs, sur les voitures. Les arbres portaient des robes à crinoline. La neige s'amoncelait, là-haut, sur les toits, en gros tas de tulle blanche.
Perplexes, on préféra rien faire. Pour tout dire, on n'en revenait pas.
En outre, la ville ça la flattait. Ça lui rappelait sa jeunesse virginale, du temps d'avant qu'on soit tous passé sur son ventre.
Mais nous ça ne nous rappelait rien.
Forcément, la grogne n'a pas tardé. On se faisait rouler dans la farine, rien d'autre. Alors on critiquait, on trouvait pas ça bien; et plus on se fâchait, et plus les trottoirs devenaient glissants, un désastre. Pour couronner le tout, nos humeurs de cochons déteignaient sur la neige. Y avait que les enfants pour continuer à rire.
La ville, elle, s'est mise à chialer; fallait s'y attendre. La neige dégringolait des toits, ça se faufilait dans le cou et ça bavait dans les chaussures. Quelle misère! On ne pouvait plus s'en débarrasser.
Chaque soir, vers les seize heures, une obscurité grisâtre commençait à suinter des murs, puis le froid en profitait pour nous peloter plus que ne le permet la décence.
Dès lors il ne nous restait plus qu'à nous rentrer dans nos chaumières, chacun chez soi; ensuite de quoi on buvait du chocolat chaud, dans une tasse que l'on reposait régulièrement près d'une tartine de nutella, sise non loin d'un couteau que l'on avait léché quelques minutes auparavant, coupable mais bienheureux.
Y avait que ces heures-là de bien.
Pour finir, on écoutait la télévision nous parler des crasseux, les beaux cadavres de décembre. Le genre qui alimente les médias et les partis de l'opposition; qui gêne les dirigeants, les monsieur le Ministre, en leur donnant des "j'envisage et projette" à tous les coins de phrases. Ce genre-là, qui scandalise les bien-pensants, les enfoirés, les pieux, les exaltés, les anti-ivégés, les agenouillés, les étudiants bourrés, les écrivains ratés. Bref, la télé nous montrait des clodos qu'une grève plus tard, on aurait tous oublié.
Pour nous y avait que ces heures-là de bien; et pour moi ça n'a pas duré. Il a fallu, pour quelque impondérable, que je m'extirpe de dessous mon duvet, que j'enfile mes chaussures humides, un bonnet, tout ça. Il a fallu que je sorte.
Autant se jeter à la mer. A peine dehors, je me suis mis à vaciller, et j'ai pris conscience que chaque pas en appellerait un autre, plus périlleux encore. J'étais beau comme un oiseau mazouté au coeur d'une marée blanche. Plus d'équilibre, plus rien!
Je me disais, pour me refaire le moral, que c'était pareil pour tout le monde. Tu parles.
Splotch, splotch, splatch. Derrière moi j'ai vu débouler une mémère à trois temps. Elle chargeait pour de bon, avec sa canne, avec son cul monumental, lesté de caresses d'autrefois. Elle prenait toute la place; à droite, à gauche, au milieu. Ça valsait sec!
Splotch, splotch, splatch! Rien à faire pour l'esquiver. Elle jubilait en causant à ses chaussures. Elle ne faiblissait pas.
A force, elle est parvenue à me dépasser. Moi je me suis rattrapé où j'ai pu pour éviter le salto arrière. Pas de doutes, elle savait y faire, la mémère.
Ça m'a surpris, sur le coup, mais à bien y réfléchir, faut reconnaître qu'ils s'entraînent tous les jours, les vieux; du lundi au dimanche, en été comme en hiver. Ils mesurent leur petit pas inlassablement pour pas se casser le fémur, pour pas se casser pour de bon. Ils thésaurisent avec le peu de santé qu'il leur reste. Ils grappillent du temps comme ils peuvent. Alors, la neige, vous imaginez bien que ça leur fait plus peur.
J'ai regardé passer la vieille, moi qui suis trop gentil. J'ai regardé et je me suis foutu par terre pour qu'elle savoure bien sa victoire. Ça coûtait rien. Je me suis laissé tomber en arrière, comme ça, pour mémère.
Et je me suis brisé le col du fémur.

mercredi 6 octobre 2010

Le roi pêcheur


Accoudé à ma fenêtre, mon petit cadre, mon unique tableau,

je contemplai les ruines de ma jeunesse.

J’avais la morgue aux lèvres et le front chargé d’embarras.

Ça ne tournait pas rond dans ma caboche.

Alors j’abandonnai les hommes.

Le voyage prodigieux !

J’embarquai sur mon voilier de fortune, moi qui n’en avais guère.

Je partis sans tarder, m’allumant sous le crâne, ce qu’il faut d’aventure pour braver l’océan.

Ça oui, ça me courait sous l’épiderme.

Je le pris comme une amoureuse, le large,

je le troussai, me frottant au soleil,

m’en gorgeant tel un fruit brûlant d’amour ; avant que d’en pourrir.

Ce jour-là, j’abandonnai les hommes,

Et je partis vers l’inconnue.

Je m’éveillai bosco, paré comme un prince russe,

les bras tatoués d’illusions et d’Amérique.

Non, je ne rêvais pas, je le vivais, mon grand périple !

Je fendais le ciel fané, harassé de chaleur, qui s’écroulait sur ma frêle équipée.

Et j’avais mal de trop de désir.

Je m’ensalais d’embruns, me cuisais le regard au fond, là-bas,

dans le dense horizon, sidérant de pâleur.

Sans frémir, je filais au travers de toutes les exhalaisons

De toutes les vapeurs de sudations de toutes les mers du globe.

J’étais le plus courageux des hommes,

j’étais un pirate avec des étoiles dans la barbe

Pleurant de lumière et d’espoir.

Enfin je pouvais crier !

De toute ma joie, je gueulais aux poissons aux quatre vents et à tous les oiseaux

combien j’étais heureux.

Ça les faisait frémir, les albatros froufroutants qui s’amusaient à faire clignoter le soleil,

en dansant avec la misaine.

O la belle insouciance !

Et tandis que la proue déchirait le voile hébété de ma dormance,

la poupe égarait des fragments d’oubli, constellant les flots verts de tâches éblouissantes.

Je jouais au chercheur d’or au milieu des tourments tapissés de trésors.

Je laissais derrière moi tous mes crève-cœur, tous mes regrets.

J’avais quitté les hommes,

J’allais sur mon navire.

Je désirais voir la mer,

les mers

L’océan Pacifique

mer de Corail, mer de Florès

mer Rouge, Jaune, Noire

mer d’Azov

mer Baltique

océan Atlantique

Les Caraïbes, l’Amérique.

Je les voulais toutes, et plus que ça,

Je voulais voir Cuba.

Je pourchassais les alizés

N’ayant de cesse que je parvinsse aux Iles du Vent.

Je voulais être explorateur

J’étais explorateur revenu de Crimée,

Du genre frondeur et flegmatique,

Mangeur d’Afrique enturbanné

arborant à la hanche un sabre d’orient,

sir britannique guidé par les frégates superbes.

Curaçao, rumba

Je voulais fouler les fougères des forêts chatoyantes, puis,

dans la ramure des acajous, si hauts si beaux, voir les Aras diaprés qui jacassent

près de toucans toqués.

Toc toc tout à trac.

Les étourneaux, je voulais les épier aussi,

les écouter pépier

si petits, si petits.

si, si! Par là, pas par-ci.

Choc choc,

Par là, pas par là ; par là, pas par là.

Une grenouille coasse.

Quoi? Crôaa!

La jungle,

la jungle j’espérais m’y planquer comme un révolutionnaire en cavale.

Me voilà boucanier.

J’avais vécu quantité d’abordages, pillé tous les galions, tué des ennemis de poussière.

Bon sang que j’avais soif, soif de mon île,

soif de ses jotas sensuelles.

Dis, sers-moi des mojitos, pour quelques fleurs de porcelaine.

J’avais quitté les hommes

Et toujours, et vaille que vaille, je traçais mon roman.

Je voulais m’agrafer au cœur un tas de souvenirs,

de quoi remplir ma soute

pour quand je rentrerais,

pour quand ça serait fini.

Ça n’avait même pas commencé

et je voulais savoir déjà,

je voulais la toucher, mon île ;

je voulais voir pour croire.

J’y croyais, j’y croyais,

comme en mon père

Et je chantais de toute ma vilaine voix.

Ça y allait la rengaine, hisse et ho,

J’étais pur et ça y était;

après l’étrave je gueulais

plein d’euphorie.

Et alors tout à coup l’embarcation éventra un banc de poissons volants,

et ça me donnait de la voix !

Ça venait de partout, de dedans, de dehors, frontal,

et vlan!!

J’étais le roi pêcheur dans le brasier des exocets voltigeurs.

Ils bondissaient sur la houle,

ils échappaient à la pesanteur,

provoquant des éclaboussures mielleuses.

Et ça me ravissait.

Vlaaam!!

Fallait se protéger des chocs, parce qu’ils ne viraient pas.

Missiles sol-air;

ils tambourinaient sur ma jonque, frétillant de terreur.

Et ratatat!!

Tambour de guerre.

Rataam!!

C’était la Crimée, les hussards en débâcle;

et voilà les dragons

Sébastopol.

Puis la mer se figea,

les vents flétrirent

et la cavalerie disparut.

J’étais le dernier des cosaques sur la mer Noire,

le dernier des mohicans sur l’océan Indien.

J’avais quitté les hommes

Et ça n’allait pas bien.

Le roulis repris son labeur puis les canons tonnèrent au loin.

J’avais peur des dragons, moi.

C’était la guerre.

Le tangage s’accentua tandis que des flammèches de vents

s’emmêlaient dans mes cheveux.

Tour à tour je vacillais puis je hurlais dans la brise de mer.

A bâbord, à tribord,

Et que ça va et que ça vient

Qu’est-ce que ça voulait dire?

Quelle était cette clameur?

J’avais quitté les hommes.

Qu’est-ce que ça foutait là, ce lourd plafond enflé,

amené par le sud, au-dessus de nous autres,

me couvrant, moi et ma coquille de noix.

Le tonnerre n’en pouvait plus de craquer encore et encore,

et je tressaillais à chaque fois.

Le grain blanc se jeta sur nous sans crier gare.

Vraoum !!

Il nous posséda.

Les vagues déferlantes nous propulsaient de crêtes en creux et de creux en cieux.

Elles battaient les flancs gris de ma felouque.

Il neigeait dans mes yeux,

mais je ne lâchais pas le gouvernail,

oh non, à ce moment là, j’aurais pu broyer les colonnes

de tous les temples de Rome

d’Athènes ou bien d’Egypte entre mes mains.

Je devenais colosse.

Je crachais au milieu de la chiasse blanche, dans l’air lactescent.

J’éructais contre l’écume qui bouillonnait sa mousse,

qui salivait ses lames brisantes, les scélérates, les enragées.

J’étais le pire!

Et de toute ma sincérité, j’y croyais.

Fallait y croire, fallait tenir.

Le palpitant voulait quitter sa cage, s’éparpiller,

Surcouf, Tabarly, dans l’ouragan subtropical

et s’épandre avec lui,

cent colibris apeurés ; mille, dix mille.

Mais je tenais ma barre, hardi.

Et les orages boursouflés avaient beau s’ouvrir des béances magnifiques sur le torse,

se balafrer de lumière en lançant des éclats de rire démesurés

jusque dans le bois de mon vibrant esquif,

se foutant de ma démence,

ils avaient beau faire,

moi j’y croyais.

J’avais quitté les hommes,

J’allais sur mon navire.

Et la tempête passa.

Clapotis familier.

J’ouvris les yeux, plein du crépitement des guerres passées.

J’ouvris les yeux, et je ne pleurai pas ;

rien qu’un peu.

Je décrispai mes doigts, mes pauvres doigts.

J’avais perdu ma boussole, et égaré mon sextant.

La coque de mon caïque était égratignée.

moi aussi ;

pas qu’un peu.

Naufragé sur mon bateau démâté,

Je songeais à cette île, cette elle,

qui m’avait donné ses orages,

à moi,

moi qui avais quitté les hommes.

lundi 21 juin 2010

Nuit sauvage

Encore un texte, parce que j'ai plus trop de dessins en ce moment. Bonne lecture.

Nous étions là, sept drôles, sept pirates balafrés qui achetions en bouteilles, de quoi passer des heures extraordinaires.
 

Ç’allait être notre nuit sauvage.
 

Qu’est-ce qu’on avait comme allure avec nos défroques fatiguées!


En tête de notre bande de copains, marchait l’athlète, le mangeur de ciel, un géant rigolard avec qui j’étais allé maintes fois jouer au basket sur des terrains défoncés. 


Juste derrière lui, bavardaient deux gars, dont un que je connaissais mal, un râblé aux yeux troubles; à la trogne de boxeur triste, de buveur fidèle et de tendre enfant perdu de la ville.

Son voisin, un grand fauve ahuri, traînait sa démence bouleversante dans des habits tout semblables à une improvisation de jazz; le jean bas sur les fesses, le manteau dépareillé, la casquette blonde de joueur de saxo au dessus de ses lunettes folles, avec des traînés de barbe sale en dessous, et des couleurs partout, tout ça comme un grand cri de blues, un collage; un trémolo de Bechet avec les rires de Parker en fond. 


Une fille était avec nous, une brune argentine, pimpante, le soleil accroché à la peau, sous la pluie ; telle une amoureuse étoile perdue parmi les météorites fracassées. Et son homme, le grand, le céleste enfant au sourire candide, élégant lunaire dans sa veste étriquée de poète sans attaches. 

Et d’autres. 

Un gamin blond au regard transparent marchait auprès des grands. Goguenard et pensif, maigre sous son t-shirt noir, il menait fort sa voix indéfini, en roulant sa clope et nous autres avec.

Moi j’étais le taiseux, l’ange tourmenté. Mince, mal rasé, mal dans sa peau, planqué sous une casquette de baseball ; et fatigué, encore.

Tous ensembles, on s’emmena sur les quais, sous un pont noir de suie, crachotant et suiffeux, urinant les brunes pensées de la ville jusque dans le fleuve gris. 

On s’installa vaille que vaille à l’abri de la pluie, et voilà que tout d’un coup, les bouteilles sortirent des sacs et nous nous mîmes à boire, là, en grappes, et des types de partout, toute sorte de copains se mirent à arriver, se joignirent à nous, avec dans leurs mains, d’autres bouteilles qui apparaissaient comme par magie. 

Ça commençait à bien chauffer sous les crânes et ça venait toujours et de toutes parts. 

Un anarchiste énervé fit tourner sa bouteille d’absinthe. J’avalai des gorgées délirantes et partout autour de moi, et moi avec, on souffla de ces songes décousus vers les ombres de la ville, sans plus rien comprendre, et on se chauffa encore ; on rugissait. Le jazzman dingue nous haranguait, bondissait autour du juif amusé, le juif fou et fringant, sobre encore, qui nous regardait, nous tous à nos délires sans noms.

Un copain, un gosse tragique et sombre, un talent maudit se mit à chavirer et on le rattrapait, et on le redressait ; bon sang. On se l’envoyait, et alors il se balança de droite à gauche, ravagé, se rattrapant à des filles magnifiques, se raccrochant à nos bras ; mais alors, nous n’étions pas tellement mieux que lui.


J’allai pisser dans un square. La bruine continuait à dégringoler, huilant le bitume noir, reflétant les phares et les têtes blanches des réverbères dans la chaussée détrempée. Le ballet des autos allait son cours. Et la presqu’île, de l’autre côté, au bout de ses longs bras sombres, déployait sa majesté provinciale, et plus loin encore, des maisons couraient jusqu’au sommet de la colline. C’était bon, ces minutes contemplatives, bien à soi, bien réelles.

Je redescendis sur les quais, là où les orphelins insouciants exsudaient toujours leurs idées prodigieuses. 

Et je replongeai sans retenue au coeur des oublieuses, des nuits sauvages.


Yannick Darbellay

mardi 15 juin 2010

Variation

Après mon texte sur Kerouac, une variation sur le même thème (mais sans Jack).

"Ce soir, je m'émerveille de solitude;
Oh mon rhum oublieux, embrasse-moi.
Le goulot salive, puis me laisse goûter à ses baisers dégueulasses.
Que c'est bon, ces lampées d'espérance qui me glisse dans la gorge.
Les oiseaux effarés s'envolent dans mon ventre,
Me tintinnabulent aux oreilles; virgules vermeilles.
Y a même un môme qui chiale dans mon crâne, craignant les nuées affolées.
Une fanfare se met à dézinguer tout ce qu'elle peut.
Ziiiiing! Le mec aux cymbales envoie des ziiiing tatziiiim et des vriiing à travers mes pensées,
Et ça tempête, et ça déchire, bon sang, que j'aime ça!
Les oiseaux chialent leurs plumes un peu partout;
Mais que c'est drôle cette pluie là, voyez comme c'est beau!
Je m'allonge au milieu des larmes d'or,
Les yeux ouverts, rivés sur le bleu sang des cieux.
Qu'y a-t-il, là-haut, qui m'écrase?
Qu'est-ce qu'elle a fait pour prendre tant de place?"

Yannick Darbellay

Les gerçures

Comme il fait chaud, j'ai écrit un texte sur le froid; normal.

"Comme si la lèpre bouffait mes doigts, c'est drôle. Il faudrait que je sois le seul, pas possible autrement. ça n'existe plus ici.
Ils tombent, les doigts, pareils aux sentences; ça effraie quand bien même on savait que ça devait arriver. Et surtout, c'est irréversible.
Un chien errant, jaune paille, sentant la pisse et la faim, un de ces compagnons d'infortune qu'on plaint autant qu'on craint, se repaît de mes chairs perdues, mes chairs disparues. Je me lèche les doigts comme il se lèche le cul, avec amour, pour apaiser les brûlures.
Il rigolerait bien, le cabot, s'il existait, mais ça n'est pas vrai, ce n'est que le froid qui me gerce les doigts. Dommage. La lèpre a de la gueule, elle est un peu canaille, un rien vieille France et ça plaît.
S'il en était ainsi, je dresserais mon poing glabre vers le ciel qui n'y serait pour rien et qui s'en foutrait. Des larmes noires me ruisselleraient le long des bras jusqu'aux aisselles, se mélangeant à la sueur et aux poils. Et si l'ironie s'y mettait, elle me laisserait le majeur un peu plus longtemps que les autres doigts, le temps d'injurier le monde en silence, sans même y penser.
Alors je marcherais droit, entraînant à ma suite le bâtard jaune aux côtes saillantes, à l'oeil torve, et noir, et rouge, qui me dégusterait morceau par morceau.
Enfin, à l'heure où l'on me mènerait à mon trou, dans un corbillard délirant, le chien galeux fermerait la marche; et me pleurerait sincèrement, lui.
Mais ça n'est que le froid. "
Yannick Darbellay

Kerouac


"Et Dean précipita la Plymouth en plein sur le camion qui venait sur nous en rugissant, zigzagua et hésita un moment en face de lui, tandis que le visage du chauffeur de camion verdissait sous nos yeux, que les gens du siège arrière s'affalaient en poussant des cris d'horreur, et l'évita d'un coup de volant au dernier instants."
Jack Kerouac

Dean et Sal, Kerouac


"Il lorgnait par dessus mon épaule pendant que j'écrivais, et gueulait:
-Mais oui! Parfaitement! Génial mon pote!"
Jack Kerouac

Kerouac, le basket et le jazz...


"C'était comme si le fou, le ténor nègre frénétique de jazz des bas-fonds américains avait essayé de jouer au basket contre Stan Getz et Cool Charlie."
par Jack Kerouac

jeudi 10 juin 2010

Sur la route


"Dean était exactement en face de lui, le visage penché sur la cloche du saxo, battant des mains, inondant de sueur les touches du gars, et le gars le remarqua et rigola dans son saxo un long rire frissonant et fou..."
par Jack Kerouac

lundi 7 juin 2010

Profil


Illustration au lavis. Il a mal au crâne, mais bon, il est content quand même.

Jack Kerouac

avant de publier une série d'illustrations inspirées de "sur la route", voici un texte que j'ai écrit en forme d'intro.

Jack embrasse des bouteilles.
Jack s'ensoleille d'alcool, et regarde des dingues,
des oiseaux ivres se marrer aux étoiles.
Jack roule, file, s'enfile des kilomètres;
terrasse ses semelles sur des lignes de béton.
Jack s'injecte de l' Amérique dans les veines, puis,
quand le silence coule, il picole,
écoute du jazz cool, et attrape au vol
des instants solaires qu'il restitue
sur ses rouleaux de liberté.
Il attrape des filles qu'il couche sur des pages somptueuses.
Jack joue de la machine à écrire
comme Bird joue du bop;
libre, juste libre.